DIV,
9 janvier 2001 :
La seule évocation du patronyme Guariniello
est devenue objet de dérision en Italie. Le
juge turinois a en effet la réputation de vouloir
enquêter sur tout mais de ne jamais conclure
une seule de ses missions. Comme nombre de rumeurs
populaires, cette opinion n’est pas fondée.
La récente condamnation de Marco Pantani pour
fraude sportive, au terme d’une enquête qui
a débuté dans le bureau de Guariniello, en est
la preuve. La semaine dernière, le célèbre juge
a encore démontré l’efficacité de son travail
en révélant que les footballeurs de haut niveau
sont menacés d’une maladie "professionnelle",
un mal qui ronge les neurones et tue: le syndrome
de Lou Gehrig, du nom d’un légendaire joueur
américain de base-ball qui fut l’un des premiers
à souffrir de cette pathologie inconnue et à
en succomber en 1941.
Alors
que l’attente était de 0,28 cas, l’équipe médicale
a relevé 11 décès dû à ce mystérieux mal sur
les 270 pris en compte. Presque 5%. Avant d’examiner
les détails, rappelons comment l’enquête est
née. En novembre 1998, après avoir reçu sur
son bureau des plaintes de veuves d’ex-footballeurs,
Raffaele Guariniello avait confié à deux experts
de l’Institut supérieur de la Santé la conduite
d’une étude épidémiologique sur une population
d’anciens joueurs. Après 20 mois de recherches,
les premiers résultats ont été rendus publics
en juillet dernier et le microcosme du ballon
rond a frissonné malgré la température caniculaire.
35
fois plus de chances de tomber malades
En passant au peigne fin un échantillon de joueurs
en activité à partir des années 50 dans les
Championnats de série A, B ou C, les scientifiques
sont arrivés à une inquiétante conclusion, froide
et implacable comme une formule mathématique:
les footballeurs ont 35 fois plus de chances
de tomber malades d’une leucémie ou de développer
des tumeurs cancéreuses au foie que le reste
de la population. Une donnée statistique suffisamment
élevée pour éviter les habituels débats relatifs
à la marge d’erreur. Ce fut la première réponse
du juge aux nombreux cyniques qui avaient souri
en le voyant, accompagné de ses adjoints, pousser
les portes du fabriquant de vignettes Panini
pour fouiller dans les archives, réputées les
plus complètes de la Péninsule.
Guariniello
n’a rien laissé au hasard, émettant également
des mandats de perquisition pour que ses limiers
puissent s’emparer des dossiers médicaux dans
plusieurs hôpitaux et passant au crible les
fiches de chaque footballeur dans les classeurs
de la Fédération. Les résultats bruts de cette
scrupuleuse méthodologie sont sous les yeux
de tous. Cependant, joueurs et dirigeants actuels
ont choisi la voie du silence. Personne ne souhaite
commenter des faits en réalité bien embarrassants
tant le hasard ou la pure coïncidence ont bon
dos pour expliquer cette série de décès de jeunes
athlètes. Mais que dire de la disparition soudaine,
à 40 ans, de Giorgio Rognoni, milieu de terrain
du grand Milan AC de Gianni Rivera? La problématique
est complexe. Le football pratiqué à très haute
dose peut-il tuer? Il se trouve que la pathologie,
"la sclérose latérale amyotrophique des neurones
moteurs", rebaptisée du nom de Lou Gehrig, est
souvent corrélée par les médecins à une activité
physique intense. Avec crampes et douleurs musculaires
comme symptômes.
"Avant de tirer des conclusions hâtives, élargissons
l’étude scientifique à d’autres sports", prône
le docteur Giovanni Battista Monti, qui fut
médecin du Milan AC de 1965 à 1998. L’iconoclaste
juge turinois, lui, a déjà une idée qui risque
une nouvelle fois de choquer. Il a axé ses futures
recherches sur l’établissement d’un éventuel
lien entre ces décès suspects et la prise de
produits dopants. La machine judiciaire du "Signor
Guariniello" avance inéluctablement au mépris
des mythes que l’inconscient collectif s’est
créé. Après l’idole déchue Pantani, c’est le
football qui risque de devoir rendre des comptes.
Si le lien de causalité entre maladie et dopage
est établi, le juge a l’intention d’accuser
les responsables d’homicide involontaire.
(Source
Sportal)
Mon
avis ? Courageuse justice italienne, et on dit
pas de fumée sans feu...
|