CYC, 3 janvier 2001 : Dans le cyclisme, les langues des anciens coureurs se délient. Ils sont quelques-uns à braver l’omerta qu’ils ont eux-même longtemps respectée, pour livrer sans y être forcés des témoignages édifiants. Après Delion, Menthéour, Bassons, Chiotti, Winnen, Rooks ou Kimmage, c’est au tour du Canadien Stieda de passer à table...
Mais qu’est-ce qu’ils ont tous, soudainement, à vouloir apporter leur contribution à la lutte antidopage? Si l’omerta est encore très répandue dans le milieu cycliste, il semblerait que certains anciens coureurs aient décidé de passer aux aveux, sans que personne ne les y aient forcé. Seulement une espèce de bonne conscience qui prendrait le dessus après des années de mensonges.
Sans faire l’inventaire de tous ceux qui, un jour où l’autre, ont été pris par le virus de repentance, on note une recrudescence de ces témoignages, qui nourrissent une trame de plus en plus précise des mœurs passées et actuelles du cyclisme. L’AFP vient ainsi de relayer les propos du Canadien Alex Stieda, porteur du maillot jaune en 1986, pour sa seule participation au Tour de France. Invité à commenter les soupçons pesant sur Lance Armstrong, cet ancien membre de la formation américaine 7-Eleven a révélé qu’il «serait absurde de penser qu’il n’y a pas de dopage au sein des équipes américaines».
«Dans ma carrière, on est venu me proposer certaines drogues, mais j’ai toujours refusé», a-t-il ajouté en notant que le dopage en Europe était une question de culture. «Les équipes US étaient obligées de suivre la tendance».
Si de telles déclarations ont été démenties par Ron Kiefel, qui avait été le premier américain porteur du maillot rose dans le Giro sous les couleurs de 7-Eleven, elles nourrissent les témoignages de ceux qui, comme l’Irlandais Paul Kimmage, le Belge Eddy Planckaert ou les Néerlandais Peter Winnen et Steven Rooks, avaient osé briser la loi du silence dans des journaux ou devant des caméras de télévisions. Dans l’émission Reporter, Winnen avait reconnu s’être dopé, mais il avait vivement critiqué l’usage de l’EPO, apparue dans le peloton au début des années 1980. «Depuis que cette hormone est arrivée, le cyclisme est ridicule, avait-il déclaré. L’EPO est une chimie tellement violente que la notion de talent n’existe plus. Les dernières années de ma carrière, je n’avais plus aucune chance de gagner». Cette idée de «romantisme», qui l’avait invité à embrasser la carrière de coureur, est selon lui bafouée.
On parle ici, bien entendu d’aveux spontanés, et non pas d’aveux forcés par un juge d’instruction ou par des policiers, comme cela avait été le cas au cours de l’affaire Festina en 1998 puis du procès du même nom, deux ans plus tard. Question spontanéité, Christophe Bassons, qui s’était vu obligé d’abandonner le Tour de France 1999 à cause de ses propos sans équivoque, et Erwann Menthéour n’ont pas lésiné. L’un et l’autre (le second n’est plus coureur) ont sorti un livre relatant les pratiques du peloton cycliste. Comment ne pas évoquer aussi les aveux du vététiste Jérôme Chiotti. «Je suis le seul âne à avouer», avait-il signifié dans Libération du 28 avril 2000. Et de raconter cette anecdote édifiante : «Le soir de mon titre mondial, je suis rentré à l’hôtel et j’ai gueulé : J’ai baisé l’UCI, l’EPO et l’hormone de croissance, ils ne la verront jamais. A ce moment-là, tout le monde savait. (…) J’ai vu des trucs incroyables».
Il n’est manifestement pas le seul. La cascade des aveux n’est peut-être pas terminé et peut-être apprendra-t-on, dans quelques années lorsque le temps aura fait œuvre de prescription, quels produits utilisait vraiment Lance Armstrong…
(Source Stéphane Dubourdieu, Sport24.com)